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QUI POSSEDE « LE FINAL CUT » ?

En droit français, le réalisateur est le salarié du producteur, c’est-à-dire qu’il lui est soumis par un lien de subordination.

Est-ce à dire que le producteur a le dernier mot lors du final cut ? Concrètement, le producteur peut-il décider que, non, il n’y a pas lieu de retourner cette scène même si le réalisateur est mécontent du rendu ?

Qui décide que le film est achevé ?

La loi a prévu une réponse à cette question : « L’œuvre audiovisuelle est réputée achevée lorsque la version définitive a été établie d’un commun accord entre, d’une part, le réalisateur ou, éventuellement, les coauteurs et, d’autre part, le producteur. »

Donc, le final cut n’appartient pas exclusivement au producteur. Il est le fruit de l’accord de l’ensemble des auteurs de l’œuvre audiovisuelle – auteurs qui sont énumérés par la loi :

  • L’auteur du scénario
  • L’auteur de l’adaptation
  • L’auteur du texte parlé (dialogues)
  • L’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre
  • Le réalisateur du film
  • L’auteur de l’œuvre originale (roman par exemple ou premiers auteurs d’un premier film en cas de remake)

La jurisprudence considère toutefois que le seul accord du réalisateur pourrait suffire.

Il faut comprendre que les intérêts en présence sont importants : d’un côté, l’argent. Le producteur est l’investisseur, il a à cœur que le film marche et rapporte un peu de sous ! Il a foi dans le film mais il n’est pas mu que par l’intérêt artistique. Ainsi il pourra souhaiter inclure des modifications destinées à rendre le film plus commercial ou pour obtenir une classification spécifique – par exemple, pour éviter une interdiction aux moins de 18 ans.

De l’autre, le parti-pris artistique d’un auteur.

Le réalisateur pourrait-il refuser de donner son accord en raison d’une atteinte à son droit moral ?

En droit français, le droit moral de l’auteur comporte plusieurs composantes, dont le droit de divulgation. Cependant, ce droit ne peut être invoqué qu’une fois l’œuvre achevée, ce qui exclut son application au cours du processus de postproduction. Ainsi, tant que l’œuvre n’est pas finalisée, le réalisateur ne peut pas s’opposer à la diffusion en invoquant son droit de divulgation.

Autre composante du droit moral, le droit au respect de l’œuvre dont le réalisateur pourrait néanmoins se prévaloir.

Ce droit protège l’intégrité de l’œuvre contre toute modification dénaturant son esprit ou son message. Si le montage final du producteur altère de manière substantielle la vision artistique du réalisateur (par exemple en ajoutant de scènes contraires à son intention, en modifiant le scénario ou en faisant le choix d’un montage entraînant une distorsion du sens), celui-ci pourrait, en théorie, invoquer une atteinte à son droit moral.

Toutefois, la jurisprudence en la matière reste mesurée. Une atteinte au droit moral ne serait retenue que dans des cas manifestes d’altération excessive et injustifiée de l’œuvre.

Un refus du réalisateur serait-il possible ?

S’il estime que les modifications sont de nature à dénaturer gravement l’œuvre, il pourra engager une action judiciaire pour obtenir réparation du préjudice moral. Cette démarche serait toutefois postérieure à la finalisation et à la divulgation du film, car avant cette étape, son refus n’aurait pas de base légale claire, la Cour de cassation ayant jugé que c’est tout le droit moral dont l’exercice est suspendu tant que l’œuvre audiovisuelle n’est pas achevée.

Le réalisateur ne peut pas s’opposer à la finalisation du film en amont, tant que l’œuvre n’est pas achevée. Toutefois, si le montage final porte une atteinte grave à l’intégrité artistique de son œuvre, il pourrait envisager une action a posteriori, en invoquant une violation de son droit au respect de l’œuvre. Cette contestation resterait toutefois limitée par d’éventuelles clauses contractuelles et soumise à la marge d’appréciation des juges.

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